Documentaires jeunesse : l’expertise de Myriam Nion, libraire

Responsable du rayon jeunesse de la librairie Contact à Angers, Myriam Nion accompagne depuis plus de vingt ans enfants, parents et collectivités dans leurs choix de lecture. Passionnée par l’image et l’édition jeunesse, elle partage ici son regard sur la place du documentaire en librairie et sur les collections Milan, qu’elle considère comme de véritables compagnons de croissance pour les jeunes lecteurs.

Quel a été votre parcours de libraire jeunesse ?

Dès le lycée, j’ai suivi un parcours artistique jusqu’à mon diplôme des Beaux-arts. Depuis 2004, je suis donc libraire sans avoir fait d’études orientées « Métiers du Livre », mais avec une énorme appétence pour l’image.

Tout d’abord à Saumur, en charge des rayons Beaux-arts et Vie pratique, puis de la BD. Par la suite, j’ai eu le rayon jeunesse et ça a été une révélation. Là aussi, j’avais tout à apprendre : le fonds, les illustrateurs, les auteurs… Un univers à part mais d’une richesse incroyable, tellement varié, tellement beau ! 

En 2014, j’ai fait un pas de côté pour aller travailler en médiathèque. J’ai énormément appris au contact de bibliothécaires passionnés par la littérature jeunesse, la médiation culturelle auprès des petits. Mais il est difficile d’entrer dans la fonction publique et le conseil me manquait.

En bibliothèque, on conseille peu, finalement. En librairie, on ne fait que ça ! Étant donné que le client achète le livre, il prend plus de risques que lorsqu’il l’emprunte. En tant que libraire, tu es là pour le guider. Les deux métiers sont complémentaires et visent à promouvoir la lecture.

J’ai terminé mon contrat à regret, mais trois mois plus tard j’entrais à la librairie Contact, librairie généraliste à Angers, en tant que responsable des rayons Jeunesse et Vie pratique. 


Quels clients achètent des documentaires jeunesse dans votre librairie ?

Le documentaire jeunesse est une vraie problématique pour moi. Il est le rayon le plus consulté sur place par les enfants et le moins acheté par les particuliers. Ce sont les collectivités qui font vivre le rayon documentaires jeunesse de la librairie.

La particularité de notre métier, c’est que bien souvent nous conseillons aux parents qui achètent et non aux enfants à qui le livre est destiné. Trop souvent, les parents attendent de leur enfant qu’il lise un roman. Tous les enfants ne sont pas adeptes de fictions, certains préfèrent assouvir leur curiosité avec des documentaires, ce n’en sont pas moins des lecteurs et souvent de gros lecteurs. Souvenons-nous de la double-page des drapeaux au milieu du Petit Larousse familial, qu’est-ce que j’ai pu la regarder, étant enfant !

J’ai l’impression que le documentaire jeunesse est plus considéré comme un outil que comme un livre. On l’achète quand on a besoin de réponses aux questions que les enfants se posent, au moment où l’enfant se les pose.

Quelles sont les thématiques les plus demandées ?

En fin d’année, le documentaire jeunesse trouve ses lettres de noblesse auprès des adultes. On est alors sur du beau livre cadeau pour les 6-12 ans avec des thématiques esthétiquement séduisantes (la nature, les animaux, l’espace, les dinosaures, les atlas…) et d’un coût certain.

En revanche, les premiers docs (3-6 ans) vont être plébiscités et jalonner les grands moments de la vie des petits lecteurs ainsi que ses premières fois (l’entrée en maternelle, l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur, le premier voyage en avion, la première fois à l’hôpital…). À ce moment précis, le documentaire est un outil pour le parent et l’aide à trouver les mots, lui offre un support visuel ludique et adapté.

Selon vous, quels sont les points forts des documentaires Milan ?

Les documentaires illustrés de Milan sont une formidable première porte d’entrée dans la lecture, qui nourrit et cultive toutes les curiosités propres à ces âges. Pas de masse de texte à digérer mais bien des informations à glaner, picorer, pour rassasier son intérêt. L’enfant va y puiser ce qu’il veut, à son rythme. Il peut faire une première lecture en regardant seulement les illustrations, puis aller chercher d’autres informations dans le texte parce qu’il veut savoir, comprendre, avec la curiosité comme moteur pour apprendre et lire.

Ce ne sont pas des livres scolaires avec une approche uniquement didactique, mais bien des compagnons qui vont aider l’enfant à grandir, le rassurer et l’éveiller.

Face à la concurrence d’internet, pensez-vous que le livre documentaire ait encore de beaux jours devant lui ?

Les informations qu’on trouve sur internet sont contestées et nous ne savons pas toujours où chercher. Les parents qui viennent en librairie avancent souvent l’argument qu’ils veulent trouver un livre pour éloigner l’enfant des écrans, tout en le laissant en autonomie. Pour ces différentes raisons, je pense que le livre documentaire a encore de beaux jours devant lui. Mais je pense qu’il faut réduire la quantité pour ne pas s’autoconcurrencer. Trop de collections empêchent d’avoir une bonne visibilité en librairie.

Je préfère garder de la place pour trois belles collections de fonds que l’enfant saura identifier, comme « Mes p’tits docs », « Mes p’tits pourquoi » ou « Mes docs en forme », plutôt que douze avec quelques titres perdus dans le rayon.